Ouïr pareil concert devrait être obligatoire !…
Parce qu'une telle musique ragaillardit l'âme et l'esprit, et réchauffe le cœur… parce qu'elle se met sans chichi à la portée de tous, batifolant sur les sujets les plus populaires ou les plus raffinés, les plus émouvants, les plus verts aussi. Qui, hier après-midi résistait à la fantaisie de ce programme Renaissance, si malicieusement concocté par Françoise Lasserre, à mille lieues de ses riches oraisons baroquisantes ? Janequin était le pivot du programme. Des chansons à couper le souffle (Le Chant des Oyseaux, Les Cris de Paris) où se bousculent les onomatopées, des pages emplies de poésie (Toutes les nuictz tu m'es présente), d'autres judicieusement polissonnes comme « Un jour que Madame dormait » ou « Il était une fillette ». L'exubérance, le souci du détail descriptif, mais aussi la tendresse, l'émotion, tissent cet art si délicat des antagonismes qui animera l'esprit humaniste de la Renaissance. Clément Janequin était entouré d'un autre grand nom de l'école française du XVIème, Antoine de Bertrand, ami de Ronsard. Avec lui, nous humions le nectar de la poésie française avec deux sonnets tirés des « Amours ».
Akadêmia avait donné en automne dernier un avant-goût de ce magnifique programme, initié par le précédent patron des Flâneries. Son interprétation a considérablement mûri et le travail en profondeur s'est fait plus rigoureux. Cinq jeunes solistes, trois garçons, deux damoiselles. Quelques alternances selon les chansons, pour varier la couleur. Pas d'instrument, la musique, pure, sans fard, dans ce qu'elle a de plus merveilleux. De plus humain aussi. Les textes, dont certains, parmi les plus beaux de la langue française, étaient imprimés sur le programme : « Ce ris plus doux que l'œuvre d'une abeille », ou encore « Certes mon œil fut trop aventureux ». Des pages merveilleuses où Antoine de Bertrand élabore de délicats figuralismes unissant le son et le sens. Afin de les mieux goûter, Françoise Lasserre en disait quelques-uns, pour préluder. Dans son « dit » la musique était sous-jacente… à mille lieues d'une plate récitation !…. A trois reprises, le concert fut donné avec la même perfection, la même générosité, le même enthousiasme.
La petite bande de Françoise Lasserre (Amal Allaoui, Angèle Meunier, Nicolas Rether, Simon Parzybut, Etienne Bazola) s'est faufilée avec une incroyable agilité dans ces capricieux entrelacs polyphoniques. Justesse, variété des timbres et des intonations, tactus impeccable dans les grandes pièces… Quelques menus travaux, et ce jeune ensemble rejoindra les meilleurs dans ce répertoire.
La Salle du Festin fut bondée aux trois concerts : plus de mille personnes ! A quand un cycle « Médiéval » et « Renaissance » dans cette bonne ville des Sacres ?
Francis ALBOU